Tout dépend de quel point de vue on se place. Si le but est d’agir sur le taux d’absentéisme, qui plus est à court terme, leur efficacité est loin d’être prouvée.
Entendons-nous sur la terminologie du mot « contrôle ». On distingue deux natures de contrôles : les contrôles médicaux et les contrôles administratifs. Ces contrôles peuvent être opérés à la diligence de l’employeur ou, dans le privé, par la sécurité sociale, dans le public, pour les contrôles médicaux, par le comité médical.
Évoquons à grands traits ces situations d’abord dans le secteur privé puis dans le secteur public.
Pour les contrôles médicaux, les caisses primaires (CPAM) disposent d’un corps de médecins rassemblés dans un service de « contrôle médical » qui convoquent les personnes malades ou accidentées pour valider leur arrêt ou leur prolongation. La décision prise entraîne la poursuite ou non du versement des indemnités journalières. Les contrôles sont aussi possibles au domicile de l’assuré, tous les jours de la semaine.
Pour les contrôles administratifs, l’outil utilisé pendant longtemps étaient les heures de sortie figurant sur la déclaration d’arrêt de travail. L’assuré doit être présent à son domicile entre 9h et 11h et entre 14h et 16h. Ces horaires de présence même s’ils sont toujours d’actualité et affichés sur les sites officiels ne sont plus ni respectés ni contrôlés. Les médecins traitants cochent très facilement la case « sorties libres » sans vraiment en justifier le pourquoi comme pourtant ils sont censés le faire.
Les employeurs peuvent cependant, sans attendre une quelconque décision de la sécurité sociale, enclencher eux-mêmes des contrôles médicaux (sous réserve qu’ils versent des indemnités compensatrices) en envoyant un médecin contrôleur chez la personne en arrêt. Il va alors se prononcer sur l’état de santé de la personne. Certains prestataires proposent ce service médical aux employeurs. Pour l’employeur, si l’arrêt semble injustifié, il cesse le versement de la rémunération compensatrice. En aucune manière il ne peut prendre une sanction autre que la suspension de ses versements de l’indemnité.
Pour le secteur public, il n’y a pas de sécurité sociale (sauf pour les contractuels), les administrations sont leur propre assureur. Comme les entreprises privées, les administrations employeurs ou comités médicaux (organe qui statue sur le bien-fondé de l’arrêt s’il dépasse 3 mois), peuvent faire appel à des médecins indépendants à condition qu’ils soient agréés.
Sur le plan des contrôles administratifs, les fonctionnaires ne sont pas soumis aux horaires de présence obligatoires. Les contrôles au domicile pour vérifier la présence n’ont donc pas de sens. La seule pression administrative prévue par les textes est le respect du délai d’information de l’employeur au maximum de 48h.
Rien n’est pire dans une équipe que de savoir que l’un de ses collègues a « pris » un arrêt de travail pour faire autre chose que se soigner. Il ne faut pas se voiler la face, ces situations existent. Elles détruisent des ambiances de travail, altèrent les relations de travail, sapent les collectifs. Les collègues finissent toujours par savoir que l’arrêt est usurpé. Ils ne diront rien mais penseront « que fait l’employeur ? ».
Cette question est difficile pour l’employeur parce que les abus ou tricherie d’usage de dispositif par certaines personnes sont réels. Les textes sur les contrôles sont assez peu aidants. A l’employeur de trouver des parades C’est son devoir d’équité.
Les témoignages de nos clients et nos propres analyses montrent que l’utilité des contrôles est faible, voire négative s’il s’agit de la mesurer à l’aune de la réduction du taux d’absentéisme. Plusieurs observations pour s’en convaincre. En premier lieu, pour que le dispositif soit efficace, il faudrait qu’il porte sur une volumétrie d’absence importante. Ce n’est pas le cas pour les abus qui sont portés le plus souvent une part faible de l’effectif. En second lieu, il faudrait que le dispositif créé plus de valeur qu’il n’en détruise. Plusieurs études ont cependant montré que c’était loin d’être le cas. Par exemple les contrôles indifférenciés peuvent également désengager les salariés et agents injustement contrôlés. Ainsi le bénéfice des contrôles sur la volumétrie d’absence est douteux. Les contrôles ne sont pas inutiles pour autant s’ils s’inscrivent dans une prévention raisonnée des absences futures. Contrôler avec discernement, c’est ainsi reconnaître l’engagement des présents et ne pas créer les conditions de leur absence future.
C’est une question récurrente ! Elle est souvent posée justement parce que les organisations ne communiquent pas sur le dossier. S’il n’y a pas d’actions, le sujet n’est pas ou peu abordé dans l’organisation. Si, en revanche, il y a des actions alors ce serait une erreur de ne pas communiquer.
L’objectif d’une action sur l’absentéisme reste d’en faire baisser le niveau. Chaque personne de l’entreprise doit savoir qu’il y a une volonté managériale de s’attaquer au sujet. En soi, il s’agit d’une première sensibilisation. L’adage bien connu de « dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit » répond aux exigences d’une action sur l’absentéisme. Si l’organisation décide par exemple de lancer une action autour de la qualité de vie au travail pour fidéliser et motiver ses collaborateurs, ils devront en être tenus informés. Si l’organisation envisage d’être plus stricte sur le respect des procédures d’information de l’employeur lors d’une absence, bien sûr que chacun dans l’organisation doit le savoir.
Le défaut observé régulièrement se traduit dans des actions connues mais dont l’objectif final (la maîtrise de l’absentéisme) lui n’est pas énoncé. Pour les deux actions évoquées ci-dessus elles sont pourtant liées entre elles par cet objectif. C’est donc sur cet objectif, décliné dans toutes formes d’actions articulées entre elles, qu’il convient de communiquer.
Le problème évoqué par votre question est celui du conflit et non celui de la communication. Ces conflits, souvent constatés, sont généralement la conséquence d’idées reçues bien ancrées. Difficile dans ces conditions d’organiser sereinement un projet de prévention. Aussi il convient en premier lieu de neutraliser ces idées reçues pour désamorcer ces conflits. Il s’agit là d’enjeux de vulgarisation et de formation, le principe étant d’apporter de la donnée factuelle pour éteindre ces idées reçues. Ne pas communiquer pour ne pas raviver les conflits est donc une stratégie périlleuse car la non communication pourrait solidifier encore les conflits. En complément de cette réponse visant à traiter la question des conflits, détaillons les raisons de communiquer. Je vois au moins deux. La première est que le projet de diagnostic / prévention sera forcément visible des salariés ou des agents tôt ou tard. Autant alors éviter les rumeurs le concernant. La seconde raison enfin est que la complexité du sujet réduit forcément la probabilité de résultats spectaculaires à court terme. L’absentéisme nécessite donc un engagement sur le moyen et le long terme et cet engagement est conditionné et soutenu, au moins en partie, par la communication.
Vous avez raison, le sujet de l’absentéisme est très complexe. Cette difficulté à l’appréhender conduit très souvent à de la résignation et à du découragement de la part des employeurs. Pourtant il est possible de s’y atteler à condition d’être vigilant à mobiliser simultanément plusieurs leviers.
Tout d’abord, il ne serait pas raisonnable de se lancer à l’assaut de l’absentéisme sans prendre appui sur un diagnostic précis de ce phénomène dans l’organisation. Le diagnostic est la clé de voûte de l’action. Mesurer le taux d’absentéisme reste très insuffisant. Le diagnostic suppose une analyse en profondeur des données d’absence au sein de l’organisation. Il reste le point de départ incontournable. Il vous permettra de caractériser votre absentéisme, de le situer. Le diagnostic bien mené vous fournira de l’information sur la démographie de votre personnel en lien avec l’absentéisme.
Le diagnostic n’est cependant pas le seul levier à actionner. L’ensemble des acteurs de l’entreprise : dirigeants, cadres, salariés ou agents, représentants du personnel doivent eux aussi connaître l’état de la situation et les actions qui vont être ou qui sont entreprises. Donc, ce deuxième levier est celui de la transparence. Il agira aussi en force de rappel : mis sur la table au vu et au su de tous, il générera un flot de questions qui viendra nourrir la réflexion sur le dossier dans l’organisation.
Enfin, un troisième levier relève de la méthodologie. S’emparer du dossier absentéisme demande une méthode rigoureuse. Notre préconisation est de s’appuyer sur les savoir-faire en matière de conduite de projet, très utilisées dans les organisations : création d’une instance de pilotage, désignation d’un chef de projet, groupes de travail pour analyser le diagnostic et proposer un plan d’action.
Il suffit de lire les communiqués de presse et les commentaires associés pour constater que ce sujet de l’absentéisme est parasité par d’innombrables idées reçues. Nous citerons par exemple « les abus sont légion » ou encore « plus on est âgé, plus on en absent ». Chacun y va de son analyse, sans que le plus souvent cette dernière ne puisse être appuyée de faits solides. Difficile dans ces conditions d’y voir clair et de percer la complexité, bien réelle, du sujet. Aussi le premier point de vigilance est de se tenir à l’écart des théories simplistes et non démontrées. Agir sur l’absentéisme, c’est d’abord se faire son avis sur la base de faits et non d’idées. Ceci invite à conduire une analyse sérieuse des causes de l’absence. Il s’agit ensuite d’être attentif à déployer méticuleusement une méthodologie propre à ces sujets sociaux. Il en va par exemple de la création d’un comité de pilotage, de l’allocation de ressources pour la gestion du projet et sa communication. Loin des débats d’idées conflictuels et stériles, la prévention de l’absentéisme est avant tout une question de méthode et c’est sur elle que la vigilance devrait se porter.
En fait, vous êtes bien outillés mais vous ne disposez pas des notices d’usage de ces outils. Toutes les organisations consignent l’ensemble des données sur l’absentéisme. Elles sont enfouies dans les SIRH ou pour les plus petites organisations dans des tableaux Excel sans âme.
L’outillage premier dans un dossier absentéisme est l’élaboration d’un diagnostic précis sur « ce qui caractérise l’absentéisme dans l’organisation ». C’est par ce premier point que pêche la plupart des organisations. Elles ne savent pas comment s’y prendre pour élaborer ce diagnostic. L’observation dans les organisations dévoile deux facettes. Soit les organisations affichent une pauvreté de données et d’indicateurs. Seul un taux d’absentéisme est alors fourni, quelquefois éclaté par service ou par catégorie d’âge et d’ancienneté. Soit les organisations produisent pléthore de tableaux dans tous les sens et qui, justement, nuisent au sens de la compréhension.
Un diagnostic construit répond à un questionnement. Si vous voulez vous outiller alors, ne sortez pas de chiffres tant que vous ne vous êtes pas posé les questions dont vous voulez avoir la réponse. Après consultation des cadres, des services RH ou santé prévention, des représentants du personnel, dressez une première liste de ces questions. Bref, soignez cette étape de questionnement et après, seulement après, allez fouiller dans vos données.
La complexité admise du sujet évoque souvent la nécessité d’un outillage sophistiqué pour l’appréhender. C’est une idée fausse, car la question de l’outillage, dans son acceptation technique, est secondaire. Plus qu’une question d’outils et, ou de logiciels, les enjeux principaux sont ceux des compétences et de la méthode. Il est par exemple plus important d’avoir un comité de pilotage bien construit, au sein duquel des échanges utiles seront constatés, que d’avoir le dernier module décisionnel d’un éditeur SIRH, que l’on ne saura pas forcément exploiter pleinement. Par ailleurs, il existe dans la plupart des organisations des compétences pour l’analyse de données. Une fois formées à la spécificité du diagnostic absentéisme, ces ressources pourraient gérer les phases d’analyse. L’outillage prioritaire pour une démarche absentéisme est donc celui de la formation des acteurs partie prenante aux référentiels d’analyse et à la méthodologie d’intervention.
L’accroissement d’un niveau d’absentéisme n’est pas inéluctable. Ce n’est pas une fatalité face à laquelle il faut baisser les bras.
Dans une organisation, la résolution de l’absentéisme reste cependant une action de longue haleine qui s’accompagne mal d’un découragement.
Plusieurs points sont essentiels pour réussir une maîtrise de l‘absentéisme. Il s’agit d’être rigoureux dans la méthode de travail. Il convient alors de définir sa conduite projet en y intégrant tous les ingrédients indispensables à une parfaite connaissance du sujet. Chacun des points évoqués ci-après représente à lui seul une condition nécessaire mais pas suffisante. C’est pourquoi l’ensemble doit être traité, articulé et offrir ainsi la meilleure efficience possible au projet.
- Mobiliser les acteurs, en installant un comité de pilotage et en confiant la mission à un chef de projet. La mobilisation des acteurs s’accompagne aussi d’une campagne de communication et d’une forte implication des managers.
- Réaliser un diagnostic complet de la situation qui repose sur deux grandes dimensions : une analyse de données chiffrées et une interrogation sur le rôle de l’organisation du travail dans la survenue de l’absentéisme.
- Élaborer un plan d’actions décliné à court moyen et long terme. Il porte sur l’amélioration des conditions de travail, la gestion de l’absentéisme, les impacts financiers d’incitation à l’assiduité à appliquer.
Dans votre question vous faites référence à la « poursuite de la détérioration malgré les contrôles ». Cette observation de votre part amène à aborder la question du contrôle comme outil au service de la maîtrise de l’absentéisme.
Soyons clairs, nous savons aujourd’hui parfaitement que les contrôles médicaux ou administratifs diligentés n’ont pas d’impacts sur le taux d’absentéisme. Pour autant faut-il s’en exempter ? Notre réponse sera non pour deux raisons, l’équité dans les équipes de travail et le rapport entre droits et devoirs de chacun.
Votre question met en relation un problème : « la détérioration du niveau d’absentéisme » et la réponse supposée à ce problème : « les contrôles ». Évoquer cette relation est compréhensible car la sphère médiatique et les informations commerciales des prestataires relaient régulièrement et avec force cette idée. Cette dernière cependant ne résiste guère aux diagnostics et études menés sur le terrain. Si l’absence abusive, celle précisément que les contrôles cherchent à réduire, a bien une réalité, cette dernière est souvent d’amplitude marginale. Selon nos observations, les abus concernant toujours moins de 5% des arrêts. Autrement ils existent, oui, mais ils sont le plus souvent rares et la vraie question de l’absentéisme se trouve ailleurs. Le premier enjeu de la prévention est donc de comprendre où. Dans un tel cas, la démarche consiste alors à analyser les déterminants de l’absence, ce qui suppose de mener un diagnostic détaillé.