Thème Absentéisme : Jack BERNON et Guillaume PERTINANT
Jack BERNON
Ergonome, consultant, conférencier
Son champ d’action se situe dans le domaine social du rapport entre les hommes et les organisations. Son regard privilégié est l’observation et l’analyse du travail.
Ergonome de formation, conférencier, il intervient régulièrement sur demande dans le secteur universitaire. Il a publié de nombreux articles et vidéos. L’ouvrage qu’il a co-écrit avec deux auteurs sur la prévention durable des TMS a été publié par l’ANACT.
Guillaume PERTINANT
Fondateur et dirigeant de HAVASU
Il développe au sein de HAVASU le premier scanner social et œuvre à démontrer le lien entre la performance économique et la performance sociale des organisations. Il vulgarise dans différents Master 2 RH (ESSEC, IGS, Lille 1) autour de l'analytique RH et de la prévention des risques RH. Il est ingénieur et MBA.
Je suis un employeur et depuis plusieurs années je vois le niveau d’absentéisme se dégrader dans mon organisation. Malgré les contrôles, la détérioration se poursuit. Que puis-je faire ?
L’accroissement d’un niveau d’absentéisme n’est pas inéluctable. Ce n’est pas une fatalité face à laquelle il faut baisser les bras.
Dans une organisation, la résolution de l’absentéisme reste cependant une action de longue haleine qui s’accompagne mal d’un découragement.
Plusieurs points sont essentiels pour réussir une maîtrise de l‘absentéisme. Il s’agit d’être rigoureux dans la méthode de travail. Il convient alors de définir sa conduite projet en y intégrant tous les ingrédients indispensables à une parfaite connaissance du sujet. Chacun des points évoqués ci-après représente à lui seul une condition nécessaire mais pas suffisante. C’est pourquoi l’ensemble doit être traité, articulé et offrir ainsi la meilleure efficience possible au projet.
- Mobiliser les acteurs, en installant un comité de pilotage et en confiant la mission à un chef de projet. La mobilisation des acteurs s’accompagne aussi d’une campagne de communication et d’une forte implication des managers.
- Réaliser un diagnostic complet de la situation qui repose sur deux grandes dimensions : une analyse de données chiffrées et une interrogation sur le rôle de l’organisation du travail dans la survenue de l’absentéisme.
- Élaborer un plan d’actions décliné à court moyen et long terme. Il porte sur l’amélioration des conditions de travail, la gestion de l’absentéisme, les impacts financiers d’incitation à l’assiduité à appliquer.
Dans votre question vous faites référence à la « poursuite de la détérioration malgré les contrôles ». Cette observation de votre part amène à aborder la question du contrôle comme outil au service de la maîtrise de l’absentéisme.
Soyons clairs, nous savons aujourd’hui parfaitement que les contrôles médicaux ou administratifs diligentés n’ont pas d’impacts sur le taux d’absentéisme. Pour autant faut-il s’en exempter ? Notre réponse sera non pour deux raisons, l’équité dans les équipes de travail et le rapport entre droits et devoirs de chacun.
Votre question met en relation un problème : « la détérioration du niveau d’absentéisme » et la réponse supposée à ce problème : « les contrôles ». Évoquer cette relation est compréhensible car la sphère médiatique et les informations commerciales des prestataires relaient régulièrement et avec force cette idée. Cette dernière cependant ne résiste guère aux diagnostics et études menés sur le terrain. Si l’absence abusive, celle précisément que les contrôles cherchent à réduire, a bien une réalité, cette dernière est souvent d’amplitude marginale. Selon nos observations, les abus concernant toujours moins de 5% des arrêts. Autrement ils existent, oui, mais ils sont le plus souvent rares et la vraie question de l’absentéisme se trouve ailleurs. Le premier enjeu de la prévention est donc de comprendre où. Dans un tel cas, la démarche consiste alors à analyser les déterminants de l’absence, ce qui suppose de mener un diagnostic détaillé.
Ce sujet à l’air bien complexe ! Quels sont les principaux points de vigilance pour un projet de prévention de l’absentéisme ?
Vous avez raison, le sujet de l’absentéisme est très complexe. Cette difficulté à l’appréhender conduit très souvent à de la résignation et à du découragement de la part des employeurs. Pourtant il est possible de s’y atteler à condition d’être vigilant à mobiliser simultanément plusieurs leviers.
Tout d’abord, il ne serait pas raisonnable de se lancer à l’assaut de l’absentéisme sans prendre appui sur un diagnostic précis de ce phénomène dans l’organisation. Le diagnostic est la clé de voûte de l’action. Mesurer le taux d’absentéisme reste très insuffisant. Le diagnostic suppose une analyse en profondeur des données d’absence au sein de l’organisation. Il reste le point de départ incontournable. Il vous permettra de caractériser votre absentéisme, de le situer. Le diagnostic bien mené vous fournira de l’information sur la démographie de votre personnel en lien avec l’absentéisme.
Le diagnostic n’est cependant pas le seul levier à actionner. L’ensemble des acteurs de l’entreprise : dirigeants, cadres, salariés ou agents, représentants du personnel doivent eux aussi connaître l’état de la situation et les actions qui vont être ou qui sont entreprises. Donc, ce deuxième levier est celui de la transparence. Il agira aussi en force de rappel : mis sur la table au vu et au su de tous, il générera un flot de questions qui viendra nourrir la réflexion sur le dossier dans l’organisation.
Enfin, un troisième levier relève de la méthodologie. S’emparer du dossier absentéisme demande une méthode rigoureuse. Notre préconisation est de s’appuyer sur les savoir-faire en matière de conduite de projet, très utilisées dans les organisations : création d’une instance de pilotage, désignation d’un chef de projet, groupes de travail pour analyser le diagnostic et proposer un plan d’action.
Il suffit de lire les communiqués de presse et les commentaires associés pour constater que ce sujet de l’absentéisme est parasité par d’innombrables idées reçues. Nous citerons par exemple « les abus sont légion » ou encore « plus on est âgé, plus on en absent ». Chacun y va de son analyse, sans que le plus souvent cette dernière ne puisse être appuyée de faits solides. Difficile dans ces conditions d’y voir clair et de percer la complexité, bien réelle, du sujet. Aussi le premier point de vigilance est de se tenir à l’écart des théories simplistes et non démontrées. Agir sur l’absentéisme, c’est d’abord se faire son avis sur la base de faits et non d’idées. Ceci invite à conduire une analyse sérieuse des causes de l’absence. Il s’agit ensuite d’être attentif à déployer méticuleusement une méthodologie propre à ces sujets sociaux. Il en va par exemple de la création d’un comité de pilotage, de l’allocation de ressources pour la gestion du projet et sa communication. Loin des débats d’idées conflictuels et stériles, la prévention de l’absentéisme est avant tout une question de méthode et c’est sur elle que la vigilance devrait se porter.
Cette problématique me semble très conflictuelle. Est-il vraiment nécessaire de communiquer sur une démarche absentéisme ?
C’est une question récurrente ! Elle est souvent posée justement parce que les organisations ne communiquent pas sur le dossier. S’il n’y a pas d’actions, le sujet n’est pas ou peu abordé dans l’organisation. Si, en revanche, il y a des actions alors ce serait une erreur de ne pas communiquer.
L’objectif d’une action sur l’absentéisme reste d’en faire baisser le niveau. Chaque personne de l’entreprise doit savoir qu’il y a une volonté managériale de s’attaquer au sujet. En soi, il s’agit d’une première sensibilisation. L’adage bien connu de « dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit » répond aux exigences d’une action sur l’absentéisme. Si l’organisation décide par exemple de lancer une action autour de la qualité de vie au travail pour fidéliser et motiver ses collaborateurs, ils devront en être tenus informés. Si l’organisation envisage d’être plus stricte sur le respect des procédures d’information de l’employeur lors d’une absence, bien sûr que chacun dans l’organisation doit le savoir.
Le défaut observé régulièrement se traduit dans des actions connues mais dont l’objectif final (la maîtrise de l’absentéisme) lui n’est pas énoncé. Pour les deux actions évoquées ci-dessus elles sont pourtant liées entre elles par cet objectif. C’est donc sur cet objectif, décliné dans toutes formes d’actions articulées entre elles, qu’il convient de communiquer.
Le problème évoqué par votre question est celui du conflit et non celui de la communication. Ces conflits, souvent constatés, sont généralement la conséquence d’idées reçues bien ancrées. Difficile dans ces conditions d’organiser sereinement un projet de prévention. Aussi il convient en premier lieu de neutraliser ces idées reçues pour désamorcer ces conflits. Il s’agit là d’enjeux de vulgarisation et de formation, le principe étant d’apporter de la donnée factuelle pour éteindre ces idées reçues. Ne pas communiquer pour ne pas raviver les conflits est donc une stratégie périlleuse car la non communication pourrait solidifier encore les conflits. En complément de cette réponse visant à traiter la question des conflits, détaillons les raisons de communiquer. Je vois au moins deux. La première est que le projet de diagnostic / prévention sera forcément visible des salariés ou des agents tôt ou tard. Autant alors éviter les rumeurs le concernant. La seconde raison enfin est que la complexité du sujet réduit forcément la probabilité de résultats spectaculaires à court terme. L’absentéisme nécessite donc un engagement sur le moyen et le long terme et cet engagement est conditionné et soutenu, au moins en partie, par la communication.
Je ne suis pas sûr d’être bien outillé pour analyser l’absentéisme de mon organisation, que préconiseriez-vous ?
En fait, vous êtes bien outillés mais vous ne disposez pas des notices d’usage de ces outils. Toutes les organisations consignent l’ensemble des données sur l’absentéisme. Elles sont enfouies dans les SIRH ou pour les plus petites organisations dans des tableaux Excel sans âme.
L’outillage premier dans un dossier absentéisme est l’élaboration d’un diagnostic précis sur « ce qui caractérise l’absentéisme dans l’organisation ». C’est par ce premier point que pêche la plupart des organisations. Elles ne savent pas comment s’y prendre pour élaborer ce diagnostic. L’observation dans les organisations dévoile deux facettes. Soit les organisations affichent une pauvreté de données et d’indicateurs. Seul un taux d’absentéisme est alors fourni, quelquefois éclaté par service ou par catégorie d’âge et d’ancienneté. Soit les organisations produisent pléthore de tableaux dans tous les sens et qui, justement, nuisent au sens de la compréhension.
Un diagnostic construit répond à un questionnement. Si vous voulez vous outiller alors, ne sortez pas de chiffres tant que vous ne vous êtes pas posé les questions dont vous voulez avoir la réponse. Après consultation des cadres, des services RH ou santé prévention, des représentants du personnel, dressez une première liste de ces questions. Bref, soignez cette étape de questionnement et après, seulement après, allez fouiller dans vos données.
La complexité admise du sujet évoque souvent la nécessité d’un outillage sophistiqué pour l’appréhender. C’est une idée fausse, car la question de l’outillage, dans son acceptation technique, est secondaire. Plus qu’une question d’outils et, ou de logiciels, les enjeux principaux sont ceux des compétences et de la méthode. Il est par exemple plus important d’avoir un comité de pilotage bien construit, au sein duquel des échanges utiles seront constatés, que d’avoir le dernier module décisionnel d’un éditeur SIRH, que l’on ne saura pas forcément exploiter pleinement. Par ailleurs, il existe dans la plupart des organisations des compétences pour l’analyse de données. Une fois formées à la spécificité du diagnostic absentéisme, ces ressources pourraient gérer les phases d’analyse. L’outillage prioritaire pour une démarche absentéisme est donc celui de la formation des acteurs partie prenante aux référentiels d’analyse et à la méthodologie d’intervention.
Les contrôles, est-ce utile ?
Tout dépend de quel point de vue on se place. Si le but est d’agir sur le taux d’absentéisme, qui plus est à court terme, leur efficacité est loin d’être prouvée.
Entendons-nous sur la terminologie du mot « contrôle ». On distingue deux natures de contrôles : les contrôles médicaux et les contrôles administratifs. Ces contrôles peuvent être opérés à la diligence de l’employeur ou, dans le privé, par la sécurité sociale, dans le public, pour les contrôles médicaux, par le comité médical.
Évoquons à grands traits ces situations d’abord dans le secteur privé puis dans le secteur public.
Pour les contrôles médicaux, les caisses primaires (CPAM) disposent d’un corps de médecins rassemblés dans un service de « contrôle médical » qui convoquent les personnes malades ou accidentées pour valider leur arrêt ou leur prolongation. La décision prise entraîne la poursuite ou non du versement des indemnités journalières. Les contrôles sont aussi possibles au domicile de l’assuré, tous les jours de la semaine.
Pour les contrôles administratifs, l’outil utilisé pendant longtemps étaient les heures de sortie figurant sur la déclaration d’arrêt de travail. L’assuré doit être présent à son domicile entre 9h et 11h et entre 14h et 16h. Ces horaires de présence même s’ils sont toujours d’actualité et affichés sur les sites officiels ne sont plus ni respectés ni contrôlés. Les médecins traitants cochent très facilement la case « sorties libres » sans vraiment en justifier le pourquoi comme pourtant ils sont censés le faire.
Les employeurs peuvent cependant, sans attendre une quelconque décision de la sécurité sociale, enclencher eux-mêmes des contrôles médicaux (sous réserve qu’ils versent des indemnités compensatrices) en envoyant un médecin contrôleur chez la personne en arrêt. Il va alors se prononcer sur l’état de santé de la personne. Certains prestataires proposent ce service médical aux employeurs. Pour l’employeur, si l’arrêt semble injustifié, il cesse le versement de la rémunération compensatrice. En aucune manière il ne peut prendre une sanction autre que la suspension de ses versements de l’indemnité.
Pour le secteur public, il n’y a pas de sécurité sociale (sauf pour les contractuels), les administrations sont leur propre assureur. Comme les entreprises privées, les administrations employeurs ou comités médicaux (organe qui statue sur le bien-fondé de l’arrêt s’il dépasse 3 mois), peuvent faire appel à des médecins indépendants à condition qu’ils soient agréés.
Sur le plan des contrôles administratifs, les fonctionnaires ne sont pas soumis aux horaires de présence obligatoires. Les contrôles au domicile pour vérifier la présence n’ont donc pas de sens. La seule pression administrative prévue par les textes est le respect du délai d’information de l’employeur au maximum de 48h.
Rien n’est pire dans une équipe que de savoir que l’un de ses collègues a « pris » un arrêt de travail pour faire autre chose que se soigner. Il ne faut pas se voiler la face, ces situations existent. Elles détruisent des ambiances de travail, altèrent les relations de travail, sapent les collectifs. Les collègues finissent toujours par savoir que l’arrêt est usurpé. Ils ne diront rien mais penseront « que fait l’employeur ? ».
Cette question est difficile pour l’employeur parce que les abus ou tricherie d’usage de dispositif par certaines personnes sont réels. Les textes sur les contrôles sont assez peu aidants. A l’employeur de trouver des parades C’est son devoir d’équité.
Les témoignages de nos clients et nos propres analyses montrent que l’utilité des contrôles est faible, voire négative s’il s’agit de la mesurer à l’aune de la réduction du taux d’absentéisme. Plusieurs observations pour s’en convaincre. En premier lieu, pour que le dispositif soit efficace, il faudrait qu’il porte sur une volumétrie d’absence importante. Ce n’est pas le cas pour les abus qui sont portés le plus souvent une part faible de l’effectif. En second lieu, il faudrait que le dispositif créé plus de valeur qu’il n’en détruise. Plusieurs études ont cependant montré que c’était loin d’être le cas. Par exemple les contrôles indifférenciés peuvent également désengager les salariés et agents injustement contrôlés. Ainsi le bénéfice des contrôles sur la volumétrie d’absence est douteux. Les contrôles ne sont pas inutiles pour autant s’ils s’inscrivent dans une prévention raisonnée des absences futures. Contrôler avec discernement, c’est ainsi reconnaître l’engagement des présents et ne pas créer les conditions de leur absence future.
Le médecin du travail inflige des restrictions d’aptitude et je n’ai pas de possibilité de reclassement, comment sortir de cette situation ?
Soyons précis : le médecin du travail « n’inflige pas des restrictions médicales » mais « il prescrit des restrictions médicales ». Son intention n’est pas de nuire à l’employeur mais de protéger la santé du salarié qu’il suit. Cette nuance est d’importance car la priorité du médecin est la santé du salarié. C’est pourquoi nous conseillons toujours aux employeurs de nouer un dialogue constructif avec le médecin du travail.
La restriction peut être temporaire. Le médecin (du travail ou de prévention) peut aussi prononcer l’inaptitude au poste. À défaut de reclassement, le salarié pourra alors être licencié si aucune autre possibilité ne peut lui être offerte.
Il n’y a donc pas de réponse solution à votre question, seulement une stratégie de travail pour prévenir ce genre de situation difficile à gérer. Tout d’abord, il faut repérer les secteurs de l’entreprise qui peuvent conduire à des dégradations de la santé empêchant une activité « normale » par la suite pour le salarié. Investir dans la prévention est toujours rentable sur le long terme.
En toile de fond, votre question aborde le délicat problème des conflictualités entre les médecins du travail et les employeurs. Les médecins du travail savent des choses sur le travail que vous ne saurez jamais parce qu’ils les ont lues dans les corps et les âmes des salariés qu’ils reçoivent en colloque singulier. Ce constat implique de travailler au maximum une relation de confiance avec le médecin du travail. Avant qu’il n’inscrive une restriction, faire en sorte qu’il dialogue avec vous. Rien ne l’y oblige mais si la confiance est là, réciproque, alors il le fera.
Cette problématique est effectivement d’une grande complexité et probablement même insoluble lorsque ses effets se manifestent. La seule solution pérenne est alors d’investir dans un travail d’anticipation en étudiant les parcours et les conditions menant à ces restrictions. Il s’agit alors plus d’anticiper le problème que d’en sortir. L’anticipation doit être outillée par une phase d’analyse, la statistique étant une ressource de choix, et de formation. Cette anticipation suppose souvent de repenser également les procédures de recrutement. Il s’agit ainsi d’un projet transversal sollicitant la RH, la formation et le management.
Thème RPS : Stéphanie ROUSSET et Jack BERNON
Stéphanie ROUSSET
Economiste du travail, Coache professionnelle, consultante
Elle intervient dans l’accompagnement des organisations, des équipes et de l’encadrement. Elle s’inscrit dans une posture au service, autour du SENS dans le travail. Elle est convaincue que l’humain a une place toute spécifique dans la performance globale des organisations. Elle apporte une attention particulière aux questions de la conduite des changements, de la QVT, de la prévention de la santé travail et du dialogue social.
Jack BERNON
Ergonome, consultant, conférencier
Son champ d’action se situe dans le domaine social du rapport entre les hommes et les organisations. Son regard privilégié est l’observation et l’analyse du travail.
Ergonome de formation, conférencier, il intervient régulièrement sur demande dans le secteur universitaire. Il a publié de nombreux articles et vidéos. L’ouvrage qu’il a co-écrit avec deux auteurs sur la prévention durable des TMS a été publié par l’ANACT.
Comment s’y prendre pour construire une démarche de prévention des RPS ?
Vous soulignez la question de la démarche. C’est en effet un point très important car la prévention des RPS nécessite une démarche pleine et entière. Trop souvent les organisations se lancent immédiatement dans la mise en œuvre de solutions sans avoir préalablement construit la démarche de prévention. Or, si l’on veut que les situations d’exposition aux RPS soient maîtrisées, pour une prévention durable, il est nécessaire de poser en premier lieu le problème en mettant en œuvre différentes étapes indiquées ci-dessous.
- 1ère étape : S’accorder pour construire la démarche.
Il s’agit de favoriser un dialogue entre les différents interlocuteurs de l’organisation concernant l’engagement dans la démarche de prévention, les enjeux, les objectifs, la gouvernance (les représentants des agents, des membres de la direction des services, médecin de prévention, etc.). Ici, l’on peut constituer un comité de pilotage (COPIL). - 2ème étape : Etablir un diagnostic des situations d’exposition aux RPS. A l’aide d’indicateurs, de questionnaires, d’analyses qualitatives dans les services, il est important de connaître l’état des lieux des situations à risques.
- 3ème étape : Elaboration des pistes d’actions.
Cette étape est celle de la construction des actions de prévention avec les différents interlocuteurs des services concernés et en lien avec le comité de pilotage. - 4ème étape : La mise en œuvre des actions de prévention.
C’est la phase opérationnelle, concrète. Elle peut concerner des actions de prévention primaire, secondaire et tertiaire, selon les situations d’expositions relevées. - 5ème étape : L’évaluation des résultats des actions.
Cette étape s’engage 3 à 6 mois après la mise en œuvre. Elle fait suite à un suivi des actions. Elle permet d’évaluer si les situations d’exposition aux RPS ont pu être maîtrisées voire supprimées.
La question est large. Pour y répondre, un guide n’y suffirait pas. Nous allons ici développer les registres sur lesquels construire une démarche de prévention des risques psychosociaux. Ils sont de trois natures et doivent être combinés ensemble :
- Le premier registre est relatif aux questions du travail. Le sujet est le travail, ses conditions de réalisation. Il intègre des dimensions tant organisationnelles qu’humaines : dysfonctionnement, injonctions contradictoires, échéances intenables, ressources inexistantes ou largement insuffisantes, charge de travail excessive, contraintes diverses et multiples, relations de travail tendues avec le management, avec les clients, avec d’autres services, parfois au sein des équipes…
- Le registre deuxième porte sur la mise en débat. Les malaises doivent pouvoir s’exprimer pour pouvoir se traiter. La discussion sur le travail, les échanges sur la manière de réaliser le travail et la sollicitation des intelligences collectives pour traiter, analyser et proposer des solutions, des actions ou des mesures est essentielle.
- Enfin le troisième registre se retrouve dans la mobilisation généralisée des acteurs : patrons, directeurs, managers décideurs mais aussi représentants du personnel, encadrement supérieur et de proximité et les travailleurs qui contribuent à la performance globale de l’organisation.
Quelle est la part organisationnelle dans une démarche de prévention des RPS ? Après-tout, n’est-ce pas la cause de tempéraments et fragilités individuelles ?
Il est vrai que les RPS se traduisent par des symptômes individuels, avec des ressentis différents d’une personne à l’autre. Certains évoquent la question des troubles psychosociaux (ex : Yves Clot). Néanmoins, dans une perspective de prévention, on ne peut seulement agir sur les conséquences que représentent les troubles psychosociaux ressentis par les individus (fatigue, mal être…).
L’approche organisationnelle consiste à remonter aux causes racines des situations de travail qui conduisent à exposer les individus et/ou les équipes à des RPS. Ces causes racines renvoient aux éléments de l’organisation au sens large (activités de travail, organisation des services, management, gestion des ressources humaines, relations de travail, etc.). Les caractéristiques de l’organisation sont déterminantes dans l’analyse des conditions d’émergence des RPS : modalités de conduite des changements, manque d’autonomie, reconnaissance, compétences non mobilisées, environnement de travail, etc. Elles peuvent être également protectrices lorsqu’elles traduisent des ressources organisationnelles : entraide entre services, relations hiérarchiques avec soutien des équipes opérationnelles, dialogue sur le travail, discussion et partages sur les objectifs et les moyens déployés, etc.
Sur les RPS comme sur d’autres sujets de prévention des risques, la tendance est toujours de cibler les individus. Il faut voir cette orientation comme une sorte de défense de l’organisation pour ne pas avoir à s’interroger sur elle-même. La question n’est pas comment sont les uns ou les autres, ou quel est leur comportement mais il s’agit de savoir comment l’organisation facilite ou entrave l’intégration de ses salariés ou agents pour qu’ils s’y sentent engager.
S’interroger sur les uns ou les autres est une manière d’exclure pour une non-conformité. Ce n’est pas prendre le problème par la bonne entrée car si l’organisation n’est pas accueillante, ne produit pas de bonnes conditions de travail, alors le phénomène de RPS perdurera et les jugements sur les personnes se poursuivront. La clé est donc dans l’examen attentif des modes de régulations de son organisation quand des questions de RPS émergent.
Les organisations syndicales me demandent d’organiser des espaces de discussion. Je ne vois pas en quoi cela diffère des réunions d’équipe. D’ailleurs, ils sont incapables eux-mêmes de me l’expliquer ! Qu’en pensez-vous ?
Les espaces de discussion sur le travail sont effectivement des réunions qui peuvent ressembler à celles menées au sein des équipes. Cependant ces espaces de discussion ont la particularité de parler du travail réel, de ce qui va bien, comme de ce qui ne fonctionne moins bien ou mal. Ce ne sont pas des réunions d’informations descendantes, ni des réunions de recueil des plaintes, comme ont pu l’être en leur temps certains types de groupes d’expression.
Ce sont des réunions où l’on prend des décisions sur le travail, avec les interlocuteurs présents. Ces décisions étant dans leur champ de compétences, selon le principe de subsidiarité. Chaque participant est acteur de la décision. Les organisations syndicales ont bien perçu que ces espaces de discussion sont une méthode d’élaboration de solutions pour améliorer les conditions de réalisation du travail très concrètement et à court terme. Il n’est plus besoin d’attendre la validation des niveaux hiérarchiques supérieurs pour mettre en œuvre les actions. Les espaces de discussion sur le travail sont résolument axés sur le dialogue, composante essentielle du dialogue social de proximité cher aux organisations syndicales, notamment dans le contexte de la mise en œuvre des CSE, qui, au moins dans la période récente, ont tendance à les éloigner du terrain, en raison des nouvelles règles de fonctionnement.
Par ailleurs, ces espaces de discussion sont plutôt récents et très liés aux actions pour favoriser la qualité de vie au travail. Il y a encore peu de retours d’expériences pour les organisations syndicales. D’où la difficulté à encore bien savoir comment se positionner et s’engager, ce qui n’empêche pas un intérêt grandissant de leur part.
Les organisations syndicales sont dans leur rôle. Elles alertent. Elles savent par leurs adhérents que des questions se posent sur les conditions de réalisation du travail dans les différentes équipes de l’entreprise, de la collectivité ou de l’association.
L’espace de discussion est en fait un temps de discussion sur la réalisation du travail. Ce que souligne ce terme traduit en fait le besoin impérieux d’accorder du temps pour les échanges sur la réalisation du travail et son organisation. Les réunions d’équipe sont des réunions de management assez « descendantes » avec pour principal objectif de parler de la production, des résultats obtenus, des projets. Il ne s’agit pas de remettre cela en cause. Ce dont il est question dans la demande des OS, est de laisser la parole aux salariés ou aux agents pour qu’ils puissent, parler de la manière dont ils vivent les objectifs assignés dans leur travail. L’espace de discussion vise à donner une place à la parole « remontante ». C’est très sain pour une organisation d’accorder ces temps de discussions.
Qu’est-ce qu’une « situation problème » qui cause des risques psychosociaux ?
Une « situation problème » se caractérise au départ par un ressenti négatif (« j’en ai marre, si ça continue je vais me mettre en arrêt de travail ! »), des faits du travail, des données temporelles et de lieu (service, bâtiment…). Puis, l’analyse de la situation problème fera émerger plus précisément les activités de travail correspondantes à ce ressenti, les interlocuteurs directs et indirects concernés, les conséquences. La recherche des causes, notamment des causes organisationnelles, va permettre d’envisager ensuite des pistes d’actions pour solutionner la situation problème et engager la prévention des RPS.
L’analyse des « situations problème » est un levier méthodologique pour diagnostiquer des situations de travail exposant aux RPS dans le cadre d’une démarche de prévention.
Une « situation-problème » est un terme générique qui désigne une situation particulière de travail qui se reproduit régulièrement et qui cause des soucis aux travailleurs.
Les exemples dans la vie courante des organisations sont légion. Elles impliquent des origines autour de contraintes trop fortes (par exemple : faire vite et bien) ou de ressources (excès de charge de travail, outillages insuffisants ou effectif trop faible pour assumer des tâches) ou une carence des modes de régulations (comme face aux urgences, aux aléas, aux répartitions des ressources…).
L’intérêt de circonscrire une « situation-problème » est ensuite de pouvoir l’analyser dans une démarche participative avec les acteurs impliqués. L’objectif est alors de rechercher les améliorations, pour dépasser cette situation.
J’ai deux équipiers très compétents, mais qui ne s’apprécient pas. Comment cette situation peut-elle être gérée ?
La complexité de cette situation s’explique par le fait qu’il y a potentiellement beaucoup d’émotions négatives, voire de violence entre eux. Des outils existent pour gérer ce type de problématique, comme la médiation, l’accompagnement d’équipes dans la résolution de conflits, avec des outils (communication non violente…).
Une autre manière de procéder est aussi d’aider les personnes concernées à décaler leurs regards sur leurs différends, en revenant factuellement sur la question du travail réel. Ces méthodes ne sont pas exclusives, elles peuvent se combiner et s’enrichir entre-elles.
Enfin, il est souhaitable que la gestion de cette situation soit confiée à un tiers intervenant, donc une personne qui ne soit pas partie prenante des relations dégradées. Le responsable de ces deux équipiers sera invité à choisir un intervenant qui soit à distance du problème, ce qui lui donnera une légitimité. Il est important qu’il connaisse néanmoins suffisamment les contextes de travail qui génèrent des tensions entre les 2 protagonistes.
La qualité des relations humaines au sein des équipes est une des missions du management. Les tempéraments des uns ou des autres interagissent parfois avec bonheur et parfois dans l’animosité. Il n’est pas question de vouloir agir sur les ressentis des uns ou des autres, ce terrain serait glissant. Le cas que vous exposez présente un atout majeur : la compétence de l’un et de l’autre. Ce levier doit être mis en avant comme source d’équité d’appréciation de la part du manager. A lui de trouver les ajustements organisationnels qui garantissent cette ligne d’équité en créant une forme de distance entre ces deux personnes. Si l’équité est visible et reconnue par l’ensemble de l’équipe alors la dissension entre les deux personnes peut avec le temps s’apaiser.
Je soupçonne un de mes cadres d’agissements et propos déplacés avec les femmes de son équipe. Mais je n’ai pas de plaintes très nettes, seulement des allusions et je ne l’ai jamais pris sur le fait. Cette situation est délicate, quels conseils me donnerie
Il s’agit potentiellement d’une « situation problème » mais avec un cadre règlementaire très strict (cf. harcèlement moral et sexuel), que vous pourrez décliner dans votre démarche.
Il est important de pouvoir réunir des éléments factuels, d’une part, et de soutenir / protéger les personnes qui le subisse, d’autre part.
Vous pouvez vous faire assister d’un juriste qui saura vous conseiller, car le problème pourra être amené rapidement à quitter le périmètre de l’organisation pour entrer dans celui des instances juridiques compétentes.
ll est utile de rappeler que le harcèlement sexuel et le harcèlement moral sont réprimés par la loi. Le soupçon est un embryon qui peut servir d’alerte. Cependant attention ! La qualification de harcèlement ne peut être prononcée que par un juge. On n’échappe pas aux témoignages écrits, au rassemblement de preuves et à l’accumulation convergente d’indices. Au stade de l’embryon, la réponse est d’abord collective. Les Directions RH peuvent organiser une campagne d’informations sur le respect des uns et des autres, de la lutte contre les discriminations. Le management dans sa globalité peut aussi être sensibilisé aux excès de langage, aux gestes inappropriés, aux attitudes ambigües. Les outils de sensibilisation sont nombreux et facilement accessibles. La communication se doit d’être visible et rappeler que ce type d’agissements expose à des sanctions.
Suite à un décès dans notre organisation sur le lieu de travail, les collaborateurs de l’équipe ont été très perturbés. Qu’est-ce qu’il convient de faire dans des situations comme celle-ci ?
Il est important dans des situations dramatiques comme celle-ci de permettre la parole, l’expression des ressentis individuels et de les partager en équipe. Ceci peut s’envisager à travers l’appel à un intervenant psychologue pour ouvrir et animer des groupes de paroles. La méthode doit être bien précisée pour créer un cadre sécure pour tous. Enfin, il convient aussi de se donner du temps, car chacun n’aura ni les mêmes besoins, ni la même manière de « faire le deuil » de la situation traumatisante.
Le cas d’un décès d’un collègue au sein d’une équipe est un moment émotionnel délicat à gérer. Il y a cependant différentes nuances dans la gestion de cette situation. L’impact de la disparition d’un collègue qui décède chez lui suite à une longue maladie ou un accident de vie privée sera différent de celui d’un collègue qui viendrait à décéder sur le lieu du travail du fait d’un suicide ou d’un accident mortel du travail. Les organisations sont souvent démunies face à des situations rares et peu anticipées. Ces situations génèrent cependant de nombreuses questions, le jour de l’événement, les jours qui suivent immédiatement et d’autres comme le remplacement sur un terme plus éloigné.
Il n’y a pas deux situations identiques, aussi l’intérêt est d’avoir au sein de l’organisation un recueil procédural qui laisse de l’autonomie au managers concernés. Le recueil à établir peut être le fruit d’un travail collectif auquel participent les représentants du personnel, sous l’égide de la DRH. Le conseil que nous délivrons est de le structurer autour de la notion du temps : que faire au moment où l’évènement se produit ? Qui prévenir et qui prévient ? Comment informer l’équipe ? Faut-il prévoir un soutien psychologique ? Qui le mobilise, comment se déroulera-t-il ? Le jour des obsèques, quelle délégation ? Les hommages ? Puis les premiers jours au travail sans le ou la collègue ? le délai du remplacement et le recrutement plus tard ? Selon les situations de la perte du collègue ou de la collègue, le cadre apportera les réponses les plus adéquates.
Thème QVT : Stéphanie ROUSSET et Jack BERNON
Stéphanie ROUSSET
Economiste du travail, Coache professionnelle, consultante
Elle intervient dans l’accompagnement des organisations, des équipes et de l’encadrement. Elle s’inscrit dans une posture au service, autour du SENS dans le travail. Elle est convaincue que l’humain a une place toute spécifique dans la performance globale des organisations. Elle apporte une attention particulière aux questions de la conduite des changements, de la QVT, de la prévention de la santé travail et du dialogue social.
Jack BERNON
Ergonome, consultant, conférencier
Son champ d’action se situe dans le domaine social du rapport entre les hommes et les organisations. Son regard privilégié est l’observation et l’analyse du travail.
Ergonome de formation, conférencier, il intervient régulièrement sur demande dans le secteur universitaire. Il a publié de nombreux articles et vidéos. L’ouvrage qu’il a co-écrit avec deux auteurs sur la prévention durable des TMS a été publié par l’ANACT.
Franchement, la QVT est-ce vraiment un plus, ou un effet de mode ?
Pour un « effet de mode », sachez que la QVT est une thématique vieille de plus de 60 ans ! Elle est née aux Etats-Unis dans les années soixante. Alors que le taylorisme devenant moins rentable, les chefs d’entreprise ont cherché d’autres méthodes pour développer la productivité. Le terme est apparu en France dans les années soixante-dix. Mais c’est surtout dans le contexte de l’émergence des préoccupations en santé au travail autour des risques psychosociaux qu’elle prend son essor pour aboutir en 2013 à un Accord National Interprofessionnel (ANI) sur l’égalité et la qualité de vie au travail. Pour parties, certaines de ces dimensions sont devenues réglementaires (négociations sociales, lois Rebsamen en 2015), pour d’autres, elles ouvrent sur des thématiques qui visent de meilleures conditions de travail au sens large, c’est ce qui est appelé Qualité de Vie au Travail.
Néanmoins, votre question est juste, si l’on considère les situations d’entreprise où la QVT se traduit par des mesures de types « pauses avec des fruits frais », « fauteuils de massage », etc., sans qu’un lien soit établi avec les conditions réelles de travail (pénibilité, la charge de travail, les relations, les difficultés managériales, horaires…), cela renvoie plutôt à ce que vous appelez « un effet de mode ». La prise en compte des conditions d’exercice du travail (contenu, organisation, formation, parcours…) au cœur de la QVT est une dimension de la performance globale de l’entreprise ou de la collectivité. Par exemple : obtenir une qualité de service et une qualité dans les conditions de travail des agents peut être un objectif d’une démarche de Qualité de Vie au Travail.
Ce n’est pas un effet de mode mais une évolution de la prise en compte de la santé (au sens large) en entreprise. Les risques psychosociaux mis au jour à la fin du XX° siècle et au début du XXI° ont marqué profondément les esprits sur la récurrence de la souffrance au travail. Il fallait sortir de cette spirale négative pour redonner aux femmes et aux hommes au travail des perspectives réjouissantes sur leur manière de vivre leur occupation professionnelle. Le concept de la qualité de vie au travail a alors pris toute sa place dans la négociation sociale du pays. Un accord national interprofessionnel (ANI) a été signé par les partenaires sociaux le 19 juin 2013 dans le secteur privé, puis un autre mis en chantier en 2015 dans le secteur public. Ce dernier n’a pas été signé mais fait cependant l’objet d’un consensus de la part des organisations syndicales et des administrations des trois fonctions publiques.
Dans mon organisation, les managers semblent frileux vis-à-vis du thème de la QVT, ils pensent que cela pousse les collaborateurs à travailler de moins en moins. Qu’en pensez-vous ?
Au contraire, les managers peuvent avec la QVT rechercher des modes de travail plus efficaces avec leurs équipes. La QVT c’est bon pour les personnes, les agents, les opérateurs, les travailleurs ; et c’est bon aussi pour le service, la collectivité, l’entreprise. C’est avant tout chercher à travailler mieux.
Mais dans votre question, il y a un point important. C’est qu’il est souvent demandé aux managers, aux encadrants, d’organiser la QVT de leurs équipes. Mais qui s’occupe de la QVT de l’encadrement ? C’est un vrai point à travailler dans toutes les organisations. Si l’on veut que la QVT se déploie mieux, il faut s’occuper de celle de l’encadrement. Car au quotidien, ce sont les managers qui vont la porter avec leurs équipes et la faire vivre pour une efficacité dans le travail d’ensemble.
C’est une attitude qui a pu parfois être observée. Elle signifie que les enjeux de la QVT n’ont pas été bien ou assez expliqués. Les idées toutes faites du type de celle que vous évoquez polluent les réalisations d’actions. En fait, elles traduisent le déficit méthodologique dans la mise en œuvre d’un projet QVT. La QVT est alors renvoyée à des actions gadgets comme un babyfoot dans une salle de repos ou des entrées gratuites pour une salle de sport.
La QVT est tout autre. Il s’agit d’un objectif qui vise le mieux être au travail en interrogeant toutes ses facettes et en premier lieu son contenu dans une perspective clairement affichée de progrès.
La QVT a aussi rajouté une dimension laissée de côté jusqu’alors qui est la question de la vie privée. Plus exactement elle pose a priori la question de comment mon travail améliore et facilite ma vie personnelle et m’aide à me construire ? La QVT permet de regarder au-delà de la frontière de l’entreprise ou de la collectivité.
Pour bon nombre de personnes, jongler entre ces contraintes extérieures, ne serait-ce que l’éloignement du domicile et les exigences de son travail relève d’un exercice d’équilibriste épuisant au quotidien. L’intérêt de la QVT est de ne plus nier ces pressions inconciliables mais au contraire de générer des propositions facilitatrices. Le télétravail en est un bon exemple.
Je ne vois pas très bien en quoi l’organisation est un facteur de QVT ? Le temps de travail est en effet défini par la réglementation. Quelle est votre opinion là-dessus ?
La QVT concerne les conditions de réalisation du travail. Si l’on veut vraiment agir pour la développer, il faut se positionner sur les causes de ce qui fait la QVT. C’est en cela que l’organisation est un facteur de QVT. En agissant sur l’organisation, il est possible de repenser l’organisation des horaires de travail, l’organisation des services, de la répartition des tâches dans une équipe, de la rénovation ou conception de nouveaux locaux, etc.
Sur la question particulière du temps de travail, dans le cadre de la réglementation il est tout à fait possible de décider d’organiser les équipes selon des modes qui tiennent mieux compte des préoccupations en santé au travail et des attentes des personnes. Par exemple, pour un salarié qui travaille de nuit et qui souhaite revenir travailler en équipe de journée, sa demande peut être tout à fait prise en compte dans le cadre d’une démarche QVT au sein de l’atelier. Il en est de même pour un agent d’accueil qui exprime le souhait de travailler sur certaines plages horaires qui lui sont préférable. L’organisation de l’accueil avec la prise en compte des attentes de chacun et des besoins du service peut amener à revoir l’organisation des horaires de travail, tout en restant conforme à la réglementation.
Bien sûr que si. L’organisation détermine le travail, c’est-à-dire les tâches à accomplir, les horaires de travail mais aussi le temps à consacrer à la réalisation de celui-ci, les lieux, sites où il doit se dérouler ainsi que les ressources qu’elle accorde pour le faire. Ajouter à cela que l’organisation met en place un management, des tailles d’équipes, investit ou pas dans des équipements et du matériel, développe les programmes de formation et constitue les équipes et les organigrammes. Mis de concert, tous ces éléments façonnent largement la vie que vous allez avoir au sein de votre organisation. Même si le temps de travail est réglementé, travailler en journée standard ou travailler de nuit n’a pas les mêmes effets sur votre qualité de vie.
Quels sont les principaux leviers d’action pour un plan QVT ?
La démarche d’action pour mettre en œuvre un plan QVT commence, avant toute chose, par l’engagement des parties prenantes.
Cet engagement s’appuie sur une finalité et des objectifs partagés, qui vont permettre de construire le plan d’actions.
Ensuite, il est important que les parties prenantes établissent ensemble un état des lieux de la situation de l’entreprise / collectivité pour définir ensemble les actions qui seraient pertinentes en fonction des objectifs qu’ils se sont fixés et des besoins du terrain.
Une démarche d’expérimentation pour commencer est souhaitable.
Après une évaluation des résultats, un déploiement plus large des actions QVT pourra être envisagé.
Les actions QVT ne se décrètent pas. Elles se construisent et se mettent en œuvre avec les parties prenantes.
C’est la condition pour que cela ne soit pas « un effet de mode » ou « une opportunité de court terme ».
La QVT est résolument la possibilité de transformer le fonctionnement de l’entreprise / collectivité, en cherchant à atteindre des objectifs d’amélioration conjoints des conditions de travail, du fonctionnement des équipes et de la performance de l’organisation.
Les actions concrètes peuvent toucher l’organisation du travail, les parcours professionnels, la santé au travail et la prévention, le management, la politique salariale, etc. Se reporter à l’ANI de juillet 2013, par exemple.
Pour mener à bien un plan d’actions QVT, plusieurs leviers doivent être activés ensemble pour obtenir les meilleurs effets. Ces leviers sont de nature très différente, leur réunion dessinera alors le plan d’action. On recense trois principaux leviers : l’intention sociale de l’employeur, la méthodologie et la participation active.
- L’intention sociale de l’employeur traduit son engagement auprès de ses collaborateurs concernant une amélioration de la vie au travail pour chacun d’entre eux. Il s’agit d’un engagement lourd : en faire l’annonce fabrique alors de l’attente de la part des salariés ou agents. L’employeur se doit de bien mesurer l’étendue de sa proposition pour ne pas prendre le risque d’une grande déception au sein de l’organisation.
- La méthodologie est une charnière. Elle articule les envies, les projets, les idées, les actions. Elle repose sur des points d’étape pour aboutir au plan d’actions : mise en place d’un comité de pilotage, réunions de groupes de travail, mobilisation du management, expérimentations, évaluation et publication des résultats, capitalisation.
- La participation active est synonyme d’écoute. Si l’objectif est bien d’améliorer la vie au travail des salariés alors il est indispensable d’organiser l’écoute de ces derniers pour mieux connaître leurs attentes et sans doute mieux identifier leurs difficultés dans le travail et hors travail. L’engagement d’un dialogue social de qualité avec les représentants du personnel sera un gage précieux.
C’est en maîtrisant ces leviers qu’une véritable démarche d’amélioration de la qualité de vie au travail pourra alors s’enclencher.
Les collaborateurs demandent des séances de sophrologie dans le cadre de la QVT, est-ce une bonne chose ?
Pourquoi pas, si cela renvoie à une action pouvant leur permettre de se sentir mieux dans leurs activités de travail. Néanmoins, cela ne peut pas être la seule solution, ni être suffisant. Le recours à des séances de sophrologie répond à un besoin individuel, en réaction à des situations de travail qui sont peut-être tendues et difficiles. Si l’on souhaite approfondir la QVT, il est souhaitable de remonter aux causes racines de ce qui fait que les situations de travail peuvent exposer les salariés / agents à des risques psychosociaux par exemple. Ici l’action sera plus collective et en lien avec le fonctionnement de l’organisation. Cela ouvre la possibilité d’agir en amont, en prévention primaire. Il s’agit du principe de réduction des risques professionnels à la source.
Les actions lancées dans le cadre d’un projet Qualité de Vie au Travail sont souvent multiples. A priori il n’y a pas de bonnes ou mauvaises actions, mais des actions à conduire qui correspondent à une problématique vécue par les collaborateurs et donc à une demande de leur part. Parfois, dans certaines entreprises, l’observation montre des actions qui s’inscrivent uniquement dans le registre du bien-être, comme la sophrologie par exemple. Le plan d’action QVT est alors le reflet d’une volonté de modifier les comportements des salariés ou des agents. Un tel choix démontre l’absence d’un diagnostic en amont et une insuffisance en matière d’écoute et de stratégie de la part de l’employeur. Ce type de réponse est insuffisant. La QVT se joue d’abord dans le travail : charge de travail, moyens et ressources alloués à chacun pour bien faire son travail, qualité des relations managériales, ambiance de travail dans les équipes, libération de la parole sur le travail.
Il serait donc étonnant que dans une organisation certains secteurs ou équipes ne soient pas confrontés à ces problématiques. Il est peu probable que la seule action de sophrologie les résolve.
Tout le monde ou presque communique sur la QVT. Mais concrètement, avez-vous connaissance de démarches QVT ambitieuses pouvant servir de référence pour nos travaux ?
En matière de QVT, les situations de référence peuvent être nombreuses, mais ce qui compte, c’est que celle que vous mettrez en place corresponde à vos besoins spécifiques. L’ambition, pour reprendre votre terme, sera liée à ce sur quoi vous vous serez accordé entre les parties prenantes de votre entreprise / collectivité et que vous déroulerez précisément votre méthodologie pour aboutir à des résultats. Autrement dit, il n’y a pas de modèle à reproduire, il n’y a que des actions à construire ensemble. Soyez-sûr que si cette intention est au cœur de votre démarche et que vous pratiquez un dialogue de qualité entre les parties prenantes, alors, votre QVT sera pertinente et apportera des résultats concrets et positifs.
Une démarche ambitieuse suppose un dialogue social riche sur le sujet. C’est-à-dire un échange avec les partenaires sociaux et/ou les représentants du personnel. Par essence la QVT relève d’un domaine social. L’ambition se construit donc sur cet échange vivant. À titre d’exemple pour étayer ce propos, les partenaires sociaux nationaux ont signé un Accord National Interprofessionnel en juin 2013 dans le secteur privé. Une profonde discussion a également eu lieu en 2015 sur ce sujet dans le secteur public. La négociation sociale permet un inventaire des facettes de la Qualité de Vie au Travail vu aux prismes des employeurs et des représentants des salariés. En soi, l’ambition est déjà grande que de s’être mis d’accord sur les thèmes et les termes d’un accord.
Ainsi, pour répondre à votre question, nous vous invitons à vous rendre sur le site gouvernemental à la rubrique des accords d’entreprise signés en France sur la QVT (https://www.legifrance.gouv.fr/Bases-de-donnees/Rechercher). Vous remarquerez des accords globaux, des accords partiels, des accords thématiques (par exemple équilibre des temps). Après vous ferez vos choix.
Mais puisque vous souhaitiez avoir une référence, vous pourrez découvrir des accords ambitieux sur le site : https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/dossier-participant-dialogue-social_1_.pdf
Thème Prévention des risques : Stéphanie ROUSSET et Jack BERNON
Stéphanie ROUSSET
Economiste du travail, Coache professionnelle, consultante
Elle intervient dans l’accompagnement des organisations, des équipes et de l’encadrement. Elle s’inscrit dans une posture au service, autour du SENS dans le travail. Elle est convaincue que l’humain a une place toute spécifique dans la performance globale des organisations. Elle apporte une attention particulière aux questions de la conduite des changements, de la QVT, de la prévention de la santé travail et du dialogue social.
Jack BERNON
Ergonome, consultant, conférencier
Son champ d’action se situe dans le domaine social du rapport entre les hommes et les organisations. Son regard privilégié est l’observation et l’analyse du travail.
Ergonome de formation, conférencier, il intervient régulièrement sur demande dans le secteur universitaire. Il a publié de nombreux articles et vidéos. L’ouvrage qu’il a co-écrit avec deux auteurs sur la prévention durable des TMS a été publié par l’ANACT.
Peu de mes confrères semblent produire leur DUER et ils sont encore moins nombreux à en tirer profit. Quelle est l’utilité de cette démarche ?
L’utilité est d’abord celle de vous mettre en conformité avec la réglementation, puisque l’évaluation des risques professionnels et leurs retranscriptions avec plans d’actions de prévention dans un document unique est une obligation.
Mais vous pouvez aller au-delà.
A l’occasion de l’évaluation des risques professionnels, vous pouvez effectuer un véritable « check up » des situations de travail pour identifier là où vous avez des risques professionnels, lesquels pénaliseront tôt ou tard votre entreprise / collectivité et la santé au travail des salariés / agents (accidents du travail, absentéisme, conflits sociaux, perte de productivité, non qualité, etc.).
Cette évaluation, vous pouvez aussi la construire avec vos équipes, avec le CHSCT, avec l’encadrement et les personnels des services. Vous en ferez ainsi un sujet de dialogue social sur les questions du travail pour l’amélioration des conditions de travail des personnels et de meilleurs résultats économiques et sociaux de l’entreprise / collectivité.
Vous le voyez, si vous souhaitez en faire une action forte dans votre entreprise / collectivité, le DUERP peut être un levier fort d’amélioration des conditions de réalisation des activités, du dialogue social et de votre performance.
Le Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels (DUER) est une obligation inscrite d’abord dans le droit européen puis traduite dans le droit français. Chaque employeur a l’obligation de réaliser une évaluation des risques professionnels auxquels sont soumis ses salariés ou agents. L’évaluation participe au dispositif général de prévention au sein de l’organisation. Il s’agit d’une mesure de prévention qualifiée d’a priori par opposition à une prévention a posteriori qui se pratique après la survenue d’un accident par exemple. L’utilité n’est pas contestable, elle contraint de fait les employeurs à se projeter sur des scénarios potentiels de survenue d’accidents ou de développement de maladies professionnelles. C’est une action anticipatrice par excellence. Bien animée, elle apporte beaucoup aux organisations pour affiner leurs conditions de réalisation de leurs productions ou services.
Le Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels (DUER) est une obligation inscrite d’abord dans le droit européen puis traduite dans le droit français. Chaque employeur a l’obligation de réaliser une évaluation des risques professionnels auxquels sont soumis ses salariés ou agents. L’évaluation participe au dispositif général de prévention au sein de l’organisation. Il s’agit d’une mesure de prévention qualifiée d’a priori par opposition à une prévention a posteriori qui se pratique après la survenue d’un accident par exemple.
Je souhaiterais savoir ce que l’on entend exactement par unité de travail dans le DUER ?
Une unité de travail est un regroupement homogène d’activités, de personnes, dans un même lieu.
Vous pouvez avoir, par exemple, l’unité de travail « service d’accueil » dans une mairie. On retrouve souvent le découpage en services existants dans une entreprise / collectivité.
Mais vous pouvez aussi affiner votre approche de l’unité de travail, en intégrant la question des flux de personnes dans le cadre de leurs activités professionnelles. C’est-à-dire que vous intégrez à votre unité de travail, des personnes qui sont dans d’autres unités de travail, et qui interagissent avec d’autres unités de travail.
Par exemple :
- « Les jardiniers des espaces verts qui interviennent dans les écoles municipales » : Les jardiniers font partie de l’unité de travail « Espaces verts » d’une part.
- D’autre part, la réalisation de leurs activités, les amènent à être en interactions avec les personnels des écoles.
Autrement dit, il y a une interface avec l’unité de travail « les écoles municipales ». L’évaluation des risques professionnels sera donc prise en compte dans chacune des 2 unités de travail.
Cela permet de traiter des risques professionnels du point de vue des jardiniers et du point de vue des personnels des écoles, au moment de la réalisation des activités de travail de jardinage.
Les unités de travail (UT) sont bien souvent le « maillon faible » de l’évaluation des risques, alors qu’au contraire, circonscrire des unités de travail pertinentes représente un atout majeur pour la qualité du Document Unique et au-delà pour les actions de prévention. Il n’y a pas « de bons ou de mauvais choix » d’unités de travail. Leur détermination doit faire l’objet d’un accord, si possible consensuel, entre tous les acteurs. On dénombre 4 grands types d’UT :
- En lien avec l’organigramme : service comptabilité, service technique, service commercial ...,
- Représentantes d’un métier ou d’un poste bien défini : les infirmiers, les commerciaux, les agents d’entretien, les assistantes, les caissières, les cadres…,
- Celles qui sont situées géographiquement : le 1° étage, le restaurant collectif, l’atelier, la reprographie, les garages ...,
- Enfin les unités discriminantes sur la base d’une caractéristique majeure du travail : les itinérants (ou roulants) par rapport sédentaires, les travailleurs en hauteur, les salariés en horaires de nuit ou atypiques, les salariés travaillant sous lumière artificielle ...
Chaque salarié ou agent peut être intégré à une ou plusieurs unités de travail. Celle-ci alors représente une population exposée à des risques homogènes. Il est alors possible de la caractériser en termes d’âge, d’ancienneté, de genre, d’accidentologie, d’absentéisme etc. Une mine d’informations pour piloter la prévention des risques professionnels.
Pouvez-vous nous dire à quoi correspond exactement l’évaluation des risques ?
Cela correspond à une obligation légale, en vue de supprimer les risques professionnels dans les situations de travail, voire de les réduire et maîtriser, à défaut de pouvoir les supprimer.
C’est un point fondamental de la prévention. Evaluer, signifie :
- Identifier les situations de travail qui exposent les personnels à des risques professionnels,
- Analyser et qualifier le danger et la situation à risque,
- Connaître les actions de prévention déjà mises en œuvre, s’il y en a,
- Coter le risque, sur une échelle que vous définissez dans votre entreprise / collectivité (possibilité de se baser sur des travaux de l’INRS, ou de votre secteur professionnel), en ayant préalablement pris en compte les mesures de prévention existantes (elles peuvent attester par exemple d’une bonne maîtrise du risque),
- Définir des actions de prévention complémentaire, en fonction du niveau de cotation obtenu
- Mettre en place les actions de prévention,
- Effectuer une mise à jour de l’évaluation au moins 1 fois par an, ou dès lors qu’il y a des changements dans les situations de travail.
Evaluer peut être un véritable moyen pour piloter la prévention. L’enjeu est de faire vivre cette démarche, et non pas considérer le travail fini dès lors que le document unique est renseigné.
L’objectif de l’évaluation est situé à deux niveaux, technique : repérer les risques présents dans toutes situations de travail pour les supprimer ou les maîtriser, et pédagogique avec pour but est la prise de conscience de tous. L’évaluation donne alors une légitimité et une force à la conduite des actions ou à la prise de mesures dans le cadre d’un plan d’action.
Trop souvent, les évaluations s’élaborent à partir d’une liste préétablie de risques. Cette méthode ne rend pas compte de la réalité du travail. Dans chaque situation de travail, plusieurs risques se maillent entre eux (RPS, chute, bruit.). Le point de départ est donc d’identifier des situations de travail caractéristiques de l’activité puis d’en recenser les risques pour agir à leur encontre. Le but ultime est de mener des actions en agissant sur les leviers de l’organisation et en assurant la meilleure protection aux personnes exposées.
Les nanoparticules sont-elles dangereuses pour la santé ?
Les nanoparticules relèvent effectivement de l’exposition aux risques chimiques et répondent de ce fait à des obligations de mesures très réglementées. Seuls des laboratoires spécialisés pourront effectuer ces mesures et vous indiquer les caractéristiques des nanoparticules et des conditions indispensables de protection des salariés.
Donc, oui, elles peuvent être dangereuses pour la santé, mais tout dépend de leurs caractéristiques, de leur concentration et des situations d’expositions des personnels.
Si vous avez des nanoparticules dans votre établissement, je vous invite à vous rapprocher des laboratoires de mesures, pour répondre à votre obligation réglementaire.
Oui, bien sûr. Indépendamment de la matière première, plus la taille de la particule est infiniment petite (entre 1 et 100 nm avec 1nm qui représente un millionième de millimètre) et plus elle est agressive au niveau des voies respiratoires. Pour l’instant, on manque de données épidémiologiques avec du recul pour circonscrire l’ensemble des risques et des conséquences potentielles. Les grands instituts de recherche européen (EU-OSHA) et français (ANSES, INERIS, INRS) sont mobilisés sur ce sujet.
Le risque essentiel se situe dans la persistance et la diffusion de ces particules ultrafines (PUF) dans les zones de travail. La captation à la source pour éviter la dispersion dans les atmosphères de travail et la protection des travailleurs sont des mesures incontournables. Enfin, sur le plan de l’organisation du travail, plus les volumes manipulés de ces nanomatériaux manufacturés sont faibles et mieux cela vaut. De plus, il faut se doter de locaux spécialement conçus pour recevoir cette production ou leur utilisation.
A votre avis combien faudrait-il de préventeurs dans les entreprises (base 1000 collaborateurs) ?
Cette question renvoie directement aux types d’activités que vous développez dans votre entreprise / collectivité, et donc aux types de risques. Elle renvoie également à la manière dont vous souhaitez organiser et manager la prévention. Il n’y a pas de nombre automatique.
De plus, dans l’action de prévention, il est important d’avoir une approche pluridisciplinaire, associant les autres acteurs de la santé au travail (médecin de prévention, médecin du travail, infirmières…), psychologue, assistante sociale…
Pour une collectivité de 1000 agents, par exemple, un service de 3 préventeurs + médecin, infirmière, psychologue, assistante sociale pourrait être une première base.
Cette question est délicate car très dépendante de la configuration de l’organisation. La réponse entre une entreprise du BTP de 1000 salariés, une enseigne commerciale de 1000 salariés et une collectivité territoriale de 1000 agents ne peut pas être équivalente. Ensuite, il convient de s’entendre sur la dénomination de « préventeur ». Par exemple, un sauveteur secouriste du travail est un préventeur, un ingénieur sécurité également. Donc pas de chiffre mais des principes à adapter selon les secteurs :
- La fonction prévention doit être incarnée. Selon la nature des activités de l’organisation les profils métier seront différents. Les plus courants sont des ingénieurs sécurité (ou en prévention des risques professionnels), des ergonomes ou des personnes issues d’une formation supérieure, ingénieur métier ou ressources humaines, reconverties. D’autres profils existent : psychologues du travail ou sociologues du travail,
- Avec une taille autour de 1000 collaborateurs, la fonction peut être portée en complément par des chargés de mission (conseillers en prévention) qui accompagnent les projets de l’organisation dans une optique d’anticipation des risques et de qualité de vie au travail,
- L’animation de la prévention mérite la démultiplication au plus près du travail d’où la nécessité de créer un réseau de proximité, secouristes du travail, équipiers incendie, relais de prévention ou conseillers de prévention détachés,
- Il convient de bien séparer la fonction prévention de la fonction médecine professionnelle. Les prérogatives d’un médecin du travail ou de prévention ou d’une infirmière du travail doivent porter un autre point de vue sur la prévention des risques professionnels à partir des états de santé du personnel
Pour une organisation, investir dans la prévention des risques, la santé de son personnel et la qualité de vie au travail est sur le court, le moyen et le long terme termes, un pari toujours gagnant.