Analytique RH : l’évaluation des coûts de santé de l’absence
Exploration de l’apport de l’analytique RH à la décision d’entreprise à travers la question du lien entre absentéisme et dépenses de santé.
Dans une décision du 19 Mai 2017, la CNIL semble ouvrir la porte à une utilisation élargie des données de santé[1]. Si l’on considère que la question de la santé au travail est un thème majeur de la réflexion à mener au sein des directions des ressources humaines, on ne peut que se réjouir de cette décision, qui ouvre potentiellement la voie au croisement de ces données de santé avec les données RH.
Mais que peut-on espérer tirer d’un tel croisement ?
A proprement parler, dans un système où les dépenses de santé font l’objet d’une prise en charge indirecte par l’entreprise, les données de santé (de dépenses de santé, pour être précis) font déjà l’objet d’une exploitation, à travers l’analyse du compte de résultat « Complémentaire Santé ». Ces informations sont bien sûr anonymisées, et ici agrégées. Elles visent à identifier la nature des dépenses, et éviter la dégradation du ratio sinistres/primes. Elles permettent par exemple de mettre en évidence la structure fondamentalement différente des dépenses selon le sexe, l’âge ou le statut familial, informations qui, croisées avec la démographie de l’entreprise, caractérisent précisément son « risque santé ».
Toutefois, puisque l’entreprise finance partiellement ces dépenses, elle peut être intéressée, non seulement à les prévoir, mais aussi à les réduire, notamment par une politique de prévention de l’absence. Et l’analytique RH peut y contribuer. D’une part en analysant comment certaines dépenses de santé peuvent réduire l’absence (ce qui fera l’objet de la prochaine chronique), d’autre part en identifiant les coûts de santé de l’absence, largement encore méconnus. Puisque les dépenses de santé ont en partie l’absence comme origine, la logique voudrait que l’absence s’accompagne d’une dépense pour l’entreprise. Mais sait-on seulement quel en est le montant ? Et comment la durée de l’absence le détermine ?
Pour répondre à ces questions, on étudie ici, pour une entreprise du secteur bancaire[2], l’impact de la durée des absences de ses salariés sur son compte « Santé » (hors Optique et Dentaire). Sans grande surprise, plus les absences sont longues, plus elles génèrent un coût important. Ce coût est en partie pris en charge par le système de santé lui-même, mais il subsiste un reste à charge pour le salarié. Ce « résidu » est éventuellement supporté, pour une part plus ou moins grande, par l’entreprise elle-même (c’est très souvent le cas). Et il n’est pas négligeable, comme on peut le constater sur le graphique suivant. Même pour les salariés non absents, le reste à charge se monte à près de 500€ (correspondant aux divers examens et actes médicaux qu’un salarié peut subir, sans pour autant que cela s’accompagne d’une absence). Et dès lors que les salariés s’absentent, la facture s’alourdit très rapidement : près de 2500€ pour 100 jours d’absence, et un maximum de 3800€ pour 240 jours d’absence[3]. Bien sûr, fort heureusement, ces absences ne sont pas si fréquentes que cela. Encore que : dans le contexte bancaire que nous décrivons, très peu générateur d’absences longues, 2% des salariés ont plus de 100 jours d’absence, 0,5% plus de 200 jours. Dans un contexte différent, celui de la grande distribution, une analyse similaire conduit plutôt, respectivement à 5% et 2%, ce qui fait immédiatement flamber le coût des dépenses supportées par l’entreprise et ses salariés.
Les entreprises n’ignorent généralement pas l’existence d’un tel lien entre absences et dépenses. Mais, faute de données, elles l’appréhendent mal. Si on y ajoute les coûts de gestion et de remplacement de l’absence, notamment longue, son impact sur la performance et le coût de la prévoyance, la barque paraît bien pleine. Elles devraient y trouver là une source supplémentaire de motivation à mener enfin franchement une politique de santé au travail.
[1] https://www.cnil.fr/fr/traitement-des-donnees-de-sante-une-logique-de-si...
[2] Ce qui exclue toute généralisation mais a au moins le mérite de donner de grandes tendances, probablement d’ailleurs sous-estimées compte tenu des caractéristiques du secteur.
[3] On voit d’ailleurs sur le graphique que l’estimation (en bleu) du coût d’une absence de 240 jours est très en deçà de la réalité de la dépense (plus de 10000€). Il faut donc plutôt prendre cette proposition comme une valeur minimale.